Préface


La rêverie est le sésame de l'âme

“L’homme qui rêve est un dieu, celui qui pense un mendiant”. La rêverie, le rêve éveillé, puisque c’est bien d’éveil au sens spirituel qu’il s’agit, relève, pour Hölderlin, du domaine le plus sacré. Un don originel, pendant rédempteur de ce péché des origines dont chaque religion accable l’humanité, est en nous, enfoui en nous, mémoire inouïe, n’attendant qu’un regard, une écoute, une attention pour nous exaucer. C’est ce souffle divin, cette source première, cette bienheureuse part qui habite chacun. c’est cette venue au monde que les mots de Janine Brunel font entendre, que les oeuvres d’Amil Asousa mettent au jour, “Coeurs et âmes”.

“A force/ de voir trembler/ son reflet/ sur la peau/ de la rivière/ le pont/ est devenu /source.” Ce qui dans la langue des couleurs d’Amil Asousa qui est aussi celle des fleurs et des formes donne des nuées de bleus iridiscents traversées par la clarté d’un bleu autre et que ponctue le mystère d’un incarnat. La rêverie est l’au-delà de la pensée. Un au-delà accessible, paisible, un au-delà qui nous sourit. Qui nous nourrit. Qui tend la main et abolit le temps. Parce qu’il est partage, parce qu’il est offrande. Confluence de la conscience et de l’inconscient, elle est le sésame de l’être.

Existe-t-il plus belle clef que la lumière, que la couleur ? “Chadris”, “Caravan”, “No Babado”, “Volcano”, les tableaux d’Amil surgissent tels les arc-en-ciel de son âme, moissons merveilleuses, champs prodigieux, éclosions chatoyantes, nuées ardentes où l’encre de Janine Brunel trace des racines, des éclairs, déchirures par lesquelles “on devine/ le ciel/ou le sang/ l’âme ou le corps/ et au milieu/ coule une rivière”. Rivière qui se fait cascade : “le soleil la maquille/ les rochers la regardent/ et toujours/ elle s’en va./ Ne laisse que son souvenir/et un manteau rouge.” Asousa-Brunel, un pas de deux, léger et profond au rythme de la terre et du ciel. Fasciné, ébloui, intimidé aussi, on commence comme “La petite fille”... par contempler... “de loin l’éphémère éclosion des fumées de l’Ailleurs”, et puis elles nous entraînent dans leur ronde qui est monde, creuset secret où “la passion de vivre/ a dissout/ le soleil/ dans le nid/ d’un cratère.”

François Graveline

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